Location meublée et décès de l'emprunteur, des conséquences fiscales désastreuses
C’est un schéma classique en investissement immobilier : le recours à l’emprunt permettant de bénéficier d’un fort effet de levier. Pourtant ce mode de financement n’est pas sans incidence, notamment dans un investissement en location meublée.
Rares sont les banques accordant un prêt sans couverture d’assurance de l’emprunteur. De manière classique, en cas de décès de l’investisseur, la compagnie d’assurance verse l’indemnité à la banque bénéficiaire du contrat ce qui a pour effet de rembourser le capital restant dû. Or en location meublée, la mise en œuvre de l’assurance du prêt expose les héritiers à de lourdes conséquences fiscales.
Des dommages collatéraux tant en termes d’imposition sur le revenu qu’en termes de droits de succession
Une imposition sur le revenu rehaussée. Si le remboursement effectué par l’assurance a pour effet de solder l’emprunt bancaire, l’extinction de la dette bancaire constitue, sur le plan fiscal, un profit exceptionnel taxable.
Ce revenu exceptionnel est imposable dans la même catégorie que le résultat (loyers), à savoir ici en BIC (bénéfices industriels et commerciaux) ou autrement dit, à la tranche marginale d’imposition sur le revenu, de l’investisseur variant de 11% à 45%, taxation à laquelle il convient d’ajouter les prélèvements sociaux de 17,20% et, le cas échéant, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 3% à 4%.
Des droits de succession majorés. À la suite du décès de l’emprunteur, l’actif brut successoral de ce dernier ne comportant pas de passif déductible au titre du prêt remboursé, une augmentation sensible des droits de succession est mécaniquement constatée.
Des solutions originales mais complexes à mettre en œuvre peuvent pallier ces inconvénients majeurs
Le principe. Deux techniques rarement utilisées, la souscription d’une assurance décès avec compte séquestre ou la constitution d’un gage espèces (assimilable à un nantissement de placements), pourraient être pertinentes. Ces dernières reposent sur le maintien de la dette bancaire au décès de l’emprunteur tout en préservant la banque d’une défaillance au travers d’une constitution de garanties ad hoc. Le maintien de l’emprunt bancaire permet ainsi non seulement d’éviter la constatation d’un profit exceptionnel taxable, mais de conserver par ailleurs une dette déductible de la succession au titre dudit emprunt.
La souscription d’une assurance décès avec compte séquestre. Le bénéficiaire de l’assurance de prêt n’est pas la banque prêteuse mais le conjoint de l’assuré(e) (ou ses héritiers) ; un notaire désigné comme tiers séquestre percevra le capital de l’assurance décès et devra conserver les fonds jusqu’au remboursement total du prêt ou, en cas de défaillance de remboursement, de les remettre à la banque.
La constitution d’un gage espèces. La convention de gage-espèces est un contrat privé tripartite conclu directement avec la banque liant l’emprunteur, le prêteur et les héritiers. En cas de décès les fonds sont versés sur un compte gagé au profit de la banque qui pourra directement prélever les sommes nécessaires au remboursement du prêt en cas de défaillance. Les avantages sont peu ou prou semblables à la solution de l’assurance décès avec compte séquestre, mais les banques préfèrent cette sûreté qu’elles considèrent comme plus efficace.
Exemple comparatif
* Les impôts dus par le défunt (et en ce y compris l’impôt dû au titre du résultat exceptionnel) sont déductibles du passif successoral.
Le principal écueil, convaincre les banques. Si l’intérêt des techniques sus énoncées pour les héritiers n’est plus à démontrer, force est de constater que les établissements bancaires sont réticents dans leur mise en œuvre ; soit par méconnaissance ou par l’envie de ne pas déroger au schéma classique, car compliquant de fait les procédures habituelles.
En conclusion
Ces techniques qui ne sont pas nouvelles, procurent un avantage fiscal évident puisque le maintien de l’emprunt bancaire au-delà d’éviter la taxation d’un revenu exceptionnel, permet par ailleurs de diminuer l’assiette taxable aux droits de succession. Dès lors il conviendra de s’entourer de spécialistes rompus à cette pratique afin d’exposer clairement l’intérêt pour l’emprunteur et rassurer l’établissement prêteur sur la sécurité des garanties en cas de défaillance ; mais aussi et surtout, d’éviter toute tentative de requalification en abus de droit par l’administration fiscale.
Patrick Müllinghausen,
Responsable du pôle Ingénierie Patrimoniale Herez
Article achevé de rédiger le 15 septembre 2021
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